Blogueur et journaliste à ses heures, Zak Amazigh Ostmane, notre chroniqueur a publié un manifeste pour le journal Le Monde criant de vérité pour dénoncer la situation aberrante que vivent les homosexuels en Algérie.
Voici le manifeste :
Zak Ostmane n’est pas son vrai nom pour l’état-civil algérien mais le patronyme de sa mère qu’il a préféré adopter, “pour lui rendre hommage, parce que le code de la famille est infâme en Algérie”. Un premier signe de rébellion chez cet Algérois de 31 ans qui a publié sur sa page Facebook, le 4 septembre, un “manifeste pour l’homosexualité” en forme de coup de gueule, une initiative quasi héroïque dans une région où le sujet fâche. “En Algérie, chacun a son combat, moi je suis solidaire avec tout le monde, les militants des droits de l’homme, la cause des femmes, le combat pour les libertés démocratiques, etc. En revanche, tout ce beau monde n’a jamais manifesté sa solidarité avec moi, pour mes droits et revendications sur la dépénalisation de l’homosexualité. Le code pénal algérien condamne les homos en Algérie de deux à cinq ans de prison ferme. Les islamistes, quant à eux, nous condamnent à une mort certaine”, écrit Zak “l’irreligieux” comme l’indique son profil.
Ce texte, assez court, qui reproche à la presse, aux intellectuels, aux écrivains et aux artistes leur “silence complice et assassin” face à “une république algérienne des frères alligators [qui] fait dans la répression vis-à-vis des homosexuels” aurait pu rester dans le cercle confidentiel des amis de Zak. Mais le site électroniqueAlgérie.focus en a fait état. Depuis, le “manifeste” a reçu le soutien de plusieurs personnalités du Maghreb engagées qui l’ont à leur tour diffusé, comme l’écrivaine et militante féministe algérienne Wassyla Tamzali, la réalisatrice franco-tunisienne Nadia El Fani ou bien encore l’universitaire et psychanalyste tunisienne Raja Ben Slama. Zak, lui, ne sort plus beaucoup de chez lui. “En ce moment, c’est délicat”, soupire-t-il au téléphone.
Blogueur et journaliste à ses heures, ce laïc revendiqué dit avoir reçu des “tonnes de messages d’insultes et de menaces”. “Durant la décennie noire [la guerre civile en Algérie des années 1990-2000],beaucoup d’homos ont été assassinés et cela a été passé sous silence. Les mentalités n’arrivent pas à évoluer, alors, j’ai décidé de sortir du placard”, affirme Zak. En mars, le jeune Algérois s’était déjà fait remarquer en s’affichant torse nu, puis en manifestant devant l’ambassade de Tunis à Alger, pour apporter son soutien à la Femen tunisienne Amina Sboui, menacée de poursuites pénales, aujourd’hui en rupture de ban avec le groupe féministe radical et installée à Paris. Mais en dehors de la présence de quelques amis, Zak est resté très isolé en Algérie. Jusqu’à la diffusion, sur les réseaux sociaux, de son texte.
“C’est un effet collatéral des “printemps arabes”, maintenant on soulève toutes ces questions, se réjouit Wassyla Tamzali. Zak pose le problème de la discrimination et de la tolérance, il est représentatif d’une génération de jeunes qui est en train de construire une liberté, même sans repère. Et en ce moment, il souffle une petite brise de printemps à Alger”. La militante féministe, auteur notamment du livre Une Education algérienne (Gallimard, 2007) rappelle ainsi que, pour la première fois cette année, le 3 août, en plein ramadan, le rassemblement des non-jeuneurs à Tizi Ouzou (Kabylie) pour réclamer la liberté de conscience, a pu avoir lieu sans être empêché par les autorités.