Elle ne retouche pas ses photos, d’ailleurs elle a l’air de faire pareil avec ses sentiments. Elle est brute Rim, dans ce côté animal que n’ont que les gens entiers. Elle a l’air d’un marin, comme quelqu’un qui aurait le mal du pays, comme si des petits bouts d’elle étaient restés ailleurs. Ça vient peut-être de sa première déchirure : “Je suis Tunisienne jusqu’à l’âme, même si je suis sans papier, ce qui renforce mon amour et le temps que je consacre à ce pays qui est ma terre.”
Elle aime la justesse et le détail. C’est sans doute pour ça qu’elle est photographe. Parce qu’elle aime attraper la vérité comme elle est. Ca ne l’empêche pas de vouloir changer les choses. Au contraire. Elle multiplie les activités et celle dont elle aime parler c’est l’archivage. “Toutes mes activités sont reliées à l’art et la culture : la photographie est mon activité principale. Mais je suis aussi archiviste pour tout ce qui concerne l’histoire, l’art, la culture, la spiritualité… du Maghreb en général, et de la Tunisie en particulier.” L’archivage, elle s’y est intéressée par peur de la manipulation de l’histoire. “En tant que photographe c’est important pour moi. Je fais du brut, je ne retouche pas. Peut-être parce que j’ai commencé avec l’argentique…“
C’est au gré de ses collectes qu’elle a eu envie de promouvoir la culture et l’art tunisiens. Voilà comment l’idée du portail des galeries d’art, d’actualité du monde des arts en Tunisie et de la présence artistique tunisienne dans le monde : TAG est née. En plus de TAG, Rim s’occupe aussi de l’association Dar el Dhekra, qui promeut le patrimoine judéo-tunisien. Finalement, à mieux regarder on se dit que Rim donne d’elle-même en s’occupant des autres.
“Il y a 6 ans environ, j’ai commencé à archiver tout ce que je trouvais sur les artistes tunisiens. En 2007, j’ai utilisé facebook pour ça. J’ai consacré mon temps libre à la culture et l’art tunisiens: cinéma, expo, culture… Et en 2008, j’ai vu l’obscurantisme commencer à sévir en Tunisie. J’ai voulu mettre en place une réponse à ce bourrage de crâne idéologique qui commençait à naître.” Rim se lance alors dans le bourrage de crâne culturel. “Pour sauver tous les Karim de Tunisie.” Karim c’était son meilleur ami, un jeune homme intelligent et talentueux, qui a fini kamikaz. La deuxième déchirure est là : dans cette expérience du tragique.
“Je me disais qu’en donnant aux jeunes de quoi s’occuper, je pouvais leur donner de la joie, de l’espoir et les éloigner de l’obscurantisme. Après tout, on ne peut pas vivre sans l’art. C’est une des raisons qui m’a poussée dans cette voix.”
Et comme elle aime partager, elle s’est embarquée avec le collectif de photographes Dégage, qui propose une exposition itinérante en hommage à la Révolution tunisienne.
A l’écouter parler, on a juste envie de lui souhaiter bonne route. Parce que c’est en continuant à semer des petits bouts d’elle-même là où elle passe, qu’elle a l’air de s’épanouir.
Sana Sbouai