Comment avez-vous découvert la photographie ?
Emir Ben Ayed : « Cela fait déjà quelques années que je fais de la photographie. Ceci a commencé par pur hasard ; un jour, une amie me téléphone pour aller prendre des photos à Sidi Bou Said, et je l’ai accompagnée. Je me suis mis à prendre quelques photos. Par la suite, j’ai posté les photos sur Facebook et j’ai reçu des commentaires très favorables. Juste après cette première expérience, j’ai acheté mon premier appareil photo numérique, un compact à 200 dinars à l’époque ».
C’est donc à la suite de cette expérience que vous avez fait la découverte de votre passion pour la photographie ?
Emir Ben Ayed :« J’ai commencé par faire des photos et les mettre sur facebook, j’ai encore eu des commentaires encourageants, mais je me suis dit qu’il me fallait des critiques d’experts. J’ai donc partagé mes photos sur des forums étrangers tels que « Chasseur d’images », où j’ai reçu des critiques beaucoup plus constructives. C’est à partir de ce moment -à que je me suis mis réellement à faire de la photographie. »
On peut donc dire que vous êtes un autodidacte ?
Emir Ben Ayed :« Effectivement, je n’ai jamais suivi de formation en photographie, j’ai juste pris du plaisir à faire des photos. Un jour, un ami et un très bon photographe est venu me dire que j’appliquais parfaitement les règles de la photographie. En me documentant, je me suis alors rendu compte que mon approche correspondait effectivement aux « standards» académiques et que j’étais en train d’appliquer ces règles inconsciemment. »
Votre carrière de photographe a débuté relativement tôt ?
Emir Ben Ayed : « Trois mois après mon premier cliché, j’ai participé au concours « Art à venir » au Printemps des Arts. C’est un concours auquel il y avait plus de 200 participants, avec une sélection de 50 participants. J’ai envoyé deux photographies et j’ai obtenu l’unanimité du jury. C’est grâce à cette reconnaissance de la part du jury pour mon travail que j’ai eu un déclic. »
Quel est donc ce déclic ? L’envie de devenir photographe professionnel ?
Emir Ben Ayed :« Depuis ce premier concours, j’ai participé à plusieurs expositions, environ 18 en l’espace d’un an et demi, au niveau local et international. Par exemple, à Paris, j’ai participé à l’exposition « Dessine-moi ta révolution » organisée par Génération Jasmin au musée du Montparnasse. A Londres, « A whole year in the history of Tunisia », une exposition sous la forme de slide-shows organisée dans l’Université d’art de Brighton. A Québec au grand Musée de la Civilisation ; également au parlement européen à Bruxelles sur le thème de la révolution. Ma dernière exposition en Tunisie fut intitulée« Socialement Votre » et s’est déroulée en janvier à la galerie Yahia, à Tunis. »
Ressentez-vous une différence de perception de votre travail de la part du public à l’étranger et du public tunisien ?
Emir Ben Ayed : « En Tunisie, la culture photographique est “en construction”, tandis qu’à l’étranger, mon travail reçoit plus d’intérêt. Deplus, je ne fais pas que des expositions, elles sont souvent accompagnées de rencontres, de tables rondes avec des professionnels, de conférences.
Le public à l’étranger me pose généralement beaucoup de questions, car mes clichés ne sont pas ceux qu’ils ont l’habitude de voir de la Tunisie. Même les photographes étrangers qui viennent couvrir des événements en Tunisie n’ont pas la même perception des choses que moi qui suis Tunisien, nous avons un regard différent. »
La révolution a été un moteur pour les photographes tunisiens ?
Emir Ben Ayed :« Avant la révolution, il n’y avait quasiment pas de photojournalisme. Nous nous sommes tous improvisés photojournalistes. Quand je suis sorti pour la première fois dans la rue, pour montrer ce qui s’y passe au quotidien, c’était pour moi avant tout un devoir de citoyen. »
« J’ai d’ailleurs partagé toutes mes photos sur Facebook sans aucune protection. Par la suite, j’ai eu des contacts d’agences internationales pour des commandes, mais en aucun cas les agences n’avaient l’exclusivité de mes photos qui étaient disponibles sur Facebook.»
Qu’est-ce que vous a apporté la révolution ?
Emir Ben Ayed : « La révolution a aidé les jeunes photographes tunisiens à pratiquer et à s’adapter à toutes le situations. Au cours de la révolution, j’ai affiné mon approche et je me suis sensibilisé aux problèmes de la société. J’oriente désormais mon travail vers le social. Suite à cet événement, il y a eu l’émergence de nouveaux talents dans la photo en Tunisie.»
Avez-vous une expérience, une rencontre qui vous a particulièrement marqué ?
Emir Ben Ayed :« J’ai participé à des workshop avec Patrick Zachmann (parrainé par l’Institut Français de Tunisie) et Antoine d’Agata de l’agence Magnum, une des plus grandes agences au monde. Au contact de ces deux photographes, j’ai changé ma manière de travailler. Quand j’ai vu comment ils travaillaient en prenant le temps de préparer et murir leurs projets. J’ai décidé de prendre le temps également et d’aller plus loin dans mes recherches photographiques, surtout quand le travail a un aspect anthropologique et social. »
Quels sont vos projets d’avenir ?
Emir Ben Ayed :« Je vais continuer à faire des shootings et des reportages pour des magazines, pour pouvoir subventionner mon nouveau projet qui s’étale sur deux ans. Mais je ne peux pas en dire plus sur ce projet, c’est un travail axé sur le social!»
Emir Ben Ayed, du haut de ces 25 années, est un photographe qui se démarque par son travail. Emir plaisante sur son métier: « Je suis photographe, car j’ai une mémoire défaillante, je suis obligé de prendre des photos pour figer des instants et pouvoir m’en rappeler. »
Farah.B