Témoignages
Aicha, 20 ans : «A onze ans, mon oncle paternel m’a placée dans une famille qui habitait très loin de mon village. La maîtresse de maison était très méchante. Elle ne me laissait jamais me reposer. Je devais travailler du matin au soir. Elle me criait dessus, m’insultait, me giflait même et personne de sa famille ne la contrariait jamais, jusqu’au jour où je me suis retrouvée à l’hôpital avec l’arcade sourcilière ouverte et une fracture à la mâchoire. C’est mon oncle maternel qui m’a sauvée en menaçant son mari de porter plainte. Je suis retournée dans ma famille et maintenant je travaille dans une usine de textile».
Sabiha, 34 ans, mariée et deux enfants : «En fait, mon père m’a vendue. J’avais 13ans lorsqu’il m’a emmenée au marché et m’a remise entre les mains du «samsar» chargé de me proposer aux clients. Lorsqu’il m’a trouvé une famille, je ne comprenais pas pourquoi je devais manger les restes ni pourquoi je ne pouvais pas regarder la télévision avec eux. Je me demandais toujours pourquoi je ne pouvais pas me laver dans leur belle salle-de-bain ? J’enviais les enfants de pouvoir exprimer tout haut leurs désirs, leurs joies, de pouvoir se blottir dans les bras de leurs parents. Ma famille me manquait surtout lorsque je tombais malade. J’avais l’impression d’être une moins que rien. Je ne rentrais chez moi que deux fois par an pour les fêtes religieuses».
D’où vient ce manque de respect pour cette catégorie de travailleuses sans qui pourtant nos vies seraient tellement moins faciles? Et si on commençait par éduquer nos enfants à respecter tout un chacun quelque soit son origine sociale ou le métier qu’il fait? Peut-être alors qu’il n’y aura plus une “Sabiha” qui se sentira moins que rien. Il faudrait aussi que nos lois interdisent de faire travailler des enfants.
C.B