J’ai vu un film magnifique hier, la source des femmes de Radu Mihaileanu ; un film qui parle de la précarité de la condition féminine dans un coin perdu au Maroc où des femmes devaient (tradition impose) aller chercher l’eau à la source, en haut de la montagne, sous un soleil de plomb, et ce depuis la nuit des temps. Leila, jeune mariée, propose aux femmes de faire la grève de l’amour : plus de câlins, plus de sexe tant que les hommes n’apportent pas l’eau au village.
Des images m’ont marquée, celles de femmes soumises, battues, violées par leurs propres époux. Ce constat me fait penser à un aphorisme très juste que j’ai lu sur facebook «Il n’y a qu’en Tunisie que les défenseurs de droits de l’homme commencent leurs phrases par : nous sommes tous musulmans».
La question que je me pose est la suivante : pourquoi l’égalité homme-femme est-elle mêlée à la religion? Pourquoi doit-on passer par la Charia ou le Coran pour convaincre les hommes que nous sommes tout aussi libres que nous sommes égaux ?
L’égalité homme-femme dans l’islam
C’est à Médine que sont révélés les versets de la «qawâma» des hommes sur les femmes. Et c’est en saisissant son vrai sens que la femme a pu vivre libre et indépendante de tout ce qui l’accablait des coutumes héritées de l’ère ante-islam dite la «jâhiliyya». Son rôle s’est étendu à tous les domaines de la vie active, pas seulement familiale, mais également sociale et politique.
«Ne convoitez pas les faveurs dont Dieu a gratifié certains d’entre vous de préférence aux autres. Une part de ce que les hommes auront acquis par leurs œuvres leur reviendra. Une part de ce que les femmes auront acquis par leurs œuvres leur reviendra. Demandez à Dieu pour qu’il vous accorde sa grâce. Dieu connaît toute chose. Nous avons désigné pour tous des héritiers légaux : les pères et mères, les proches et ceux auxquels vous êtes liés par un pacte. Donnez-leur la part qui doit leur revenir. Dieu est témoin de toute chose. Les hommes ont un surplus de responsabilité (qawwâmûna) en vertu des préférences des uns par rapport aux autres et grâce aux dépenses qu’ils font de leurs biens» (Les femmes, 32-34).
Je pense que la qawâma accordée à l’homme ne l’est pas parce qu’il est mâle, mais seulement en fonction des moyens qu’il possède. Telle la capacité tant physique que matérielle. Ce qui veut dire que si cette capacité revient dans un couple à la femme, elle est tenue d’exercer cette fameuse qawâma. Donc, il n’y a aucune exclusivité masculine à ce sujet.
Ce n’est pas pour tomber dans le même piège que ces femmes qui n’ont pas encore compris le vrai sens du mot «se révolter» que je passe en revue ces versets mais pour dire que la femme est bel et bien égale à l’homme en islam, le moment est donc venu de passer à autre chose, la loi est claire, c’est son application qui doit suivre, nous sommes encore coincés dans ce débat non à cause de la religion qui, nous le rappelons, est claire à ce sujet, mais à cause de l’ignorance qui résulte de notre attachement à des traditions et mœurs dépourvues de sens et de logique.
La net-révolution
Je m’indigne et je souris en même temps, car je viens de trouver sur facebook (encore une fois) une page dédiée à la révolution de la femme dans le monde arabe «intifadhat Al Maraa fi Al Aalam Al Arabi», une page qui redonne l’espoir mais qui pousse à réfléchir en même temps.
Mitigée, je lis les statuts, les commentaires. Ce qui m’a frappée le plus dans cette page, ce sont les images de femmes qui portent des pancartes sur lesquelles des slogans sont écrits:
– «Je suis pour la révolution de la femme dans le monde arabe car nous sommes en 2013 et mes droits ne sont toujours pas garantis», Bakinam du Caire.
– «Je vis dans un pays où les femmes sont enterrées vivantes», Ounoud d’Arabie Saoudite.
– «Je suis pour la révolution de la femme dans le monde arabe car nos hommes ne font pas la différence entre le sexe et le viol», Sana de Tunis.
J’ai traduit pour vous les messages les plus importants tout en pensant à l’éventuel impact qu’aura cette initiative sur le changement pour une société plus féministe et là une brise d’humour m’emporte. «Avec les écrits, la grève de l’amour ou les seins nus, les hommes n’ont encore rien compris», un rire nerveux me glace, je me ressaisis et dis «C’est peut-être la femme qui n’a encore rien compris…» (De la conversation jaillit la lumière disait l’autre).
En arrivant en bas de la page, je suis prise de court par ma conscience, la désillusion arrive, je me sens blasée, trahie : il s’agissait en fait d’une «net-révolution» !
Les Femens, elles, au moins descendent dans la rue. Et vous, et nous, quand occuperons-nous les rues… du savoir et de la science?
M.El Bouti