Baya.tn

L’aïd el kébir en Chine

“Les musulmans de Ningishia appellent l’aïd al adha, l’aïd de sacrifice, l’aïd de fidélité et/ou de bonté” nous explique Lei Caihong, attachée culturelle de l’ambassade de Chine à Tunis. “Après avoir nettoyé de fond en comble la maison, les chinois musulmans vont, le matin de l’aïd, à la mosquée avec des vêtements propres ou neufs pour faire la prière de l’aïd et écouter le prêche. Puis, ils rendent visite à la famille et se souhaitent une bonne fête. Ils égorgent des bœufs, des moutons ou des chameaux selon leurs moyens financiers. Ils donnent la viande à leurs proches, à leur famille, et distribuent aux pauvres selon la loi coranique, ne gardant pour eux juste qu’une petite partie. Ils continuent de faire la fête pendant 3 jours».

Corban festival ou l’aïd à la chinoise
En Chine, on cuisine des plats à base de mouton et des gâteaux aux poires et aux pommes qu’on partage en famille et avec des amis. Jusque là, rien de bien original me direz-vous, mais à part le rite religieux, l’aïd donne lieu à des festivités appelées Corban festival ou Zhongxiaojie. Sous cette appellation, on trouve cependant des différences en fonction des ethnies; les kazaks, ouïgours et kirghizes par exemple pratiquent des activités équestres avec des jeux d’enlèvement de mouton et de chasse aux filles. Chaque village est représenté par une équipe, la première qui réussit à attraper les moutons a gagné. Quand à la chasse aux filles, qui peut nous paraître «barbare», c’est un jeu très répandu chez les kazaks qui sert en fait d’occasion pour les jeunes gens de se courtiser; tour à tour, le garçon ou la fille se poursuivent à cheval et font mine de guerroyer avec leurs fouets.

On ne compte que dix ethnies environ, quasiment toutes situées dans la région autonome du Xingjiang, qui célèbrent le Corban festival : les Hui, les ouïgours, les kazakhs, les kirghizes, les tadjiks, les tatars, les ouzbeks, les dongxiangs, les salars et les bao’ans. Que l’on habite en ville ou à la campagne, on organise à l’occasion de l’aïd de grandes foires, avec de la musique, des danses folkloriques sur une scène montée au cœur des villes ou des villages. Des stands de dégustation sont abrités sous de magnifiques tentes ou yourtes dressées pour la circonstance. L’appel à la prière du jour de l’aïd se fait en musique, avec face à la mosquée, des danses qui fêtent ce jour de joie.

suite page 2

L’islam en Chine
La Chine, c’est 1,3 milliard d’habitants, 56 ethnies, dont dix sont musulmanes; ce sont les mêmes qui fêtent le Corban festival (Hui, Ouïgours, Kazakh, Ouzbek, Kirgis, Tatar, Tajik, Dongxiang, Sala et Bao’an). On dénombre 68 mosquées à Pékin, et 30 000 dans l’ensemble du pays. Ces musulmans vivent principalement dans la région autonome ouïgoure du Xinjiang, la région autonome hui du Ningxia, les provinces du Qinghai et du Gansu; les communautés y sont assez compactes. Les musulmans chinois sont des sunnites hanafites, à l’exception des tadjiks ismaéliens. Les huis du nord sont plus orientés vers le soufisme que les autres.

L’arrivée de l’islam en Chine est le fait de marchands arabes qui, au VIIème siècle,  parcouraient la «route de la soie», et d’autres très présent dans le port du Quanzhou, face à Taïwan. Les mariages inter-ethniques ont fait naître une catégorie de chinois physiquement distincte des asiatiques et de religion musulmane. Bien qu’ils ne parlent pas l’arabe, ils l’utilisent pour la lecture du coran.

La première mosquée chinoise fut construite à Chang’an en 742, sous la dynastie Tang, les Huis se sont ensuite établis autour des mosquées. L’islam connu un essor important sous les dynasties Yuan (1271-1368) et Ming (1368-1644). Réprimé comme toutes les croyances pendant le «grand bond en avant», l’islam a connu un renouveau avec la mort de Mao et l’arrivée de Deng Xiaoping. Les Huis passèrent des accords avec le Parti communiste pour pouvoir vivre leur foi sans troubler l’ordre social.

En 1982, un institut pour l’étude des textes sacrés musulman a même pu voir le jour et en 1984, une académie de la langue arabe fut créée. Très contrôlé par l’État, l’islam progresse cependant en Chine surtout dans la province du Ningxia; les imams doivent reconnaître la «primauté de l’État sur la religion» et doivent obtenir une autorisation d’exercer sous peine d’être réprimés durement. Ils sont rémunérés par l’État et, depuis 1987, émanent de l’institut des études coranique d’Urumqi qui forment ces «responsables musulmans patriotes» en cinq ans.

suite page 3

Plus de 2700 mosquées ont été construites ou restaurées, même les plus petits villages disposent de leur mosquée et de leur imam et, particularité des Huis, ces derniers ont maintenu une tradition rarissime imposée au nom de l’égalité des sexes par le gouvernement chinois : la création de mosquées féminines (nüsi) et d’imams femmes pour la communauté des croyantes. Aujourd’hui, environ 15 000 Huis se rendent chaque année à la Mecque et L’islam représente la troisième religion du pays derrière les bouddhistes et les protestants.

Extrait de Frédérique Zingaro, dans www. chine.aujourd’hui le monde.com
…Gao Pingxi est un imam de l’ethnie Hui… en ce jour de l’aïd, il est heureux de prêcher même s’il lit l’arabe sans pouvoir le parler : «Vous ne trouverez pas un seul chinois qui comprenne l’arabe ici», reconnaît-il. Il prêche donc en chinois, les prières seules sont en Arabe.

(…) A Pékin, les musulmans chinois ne semblent pas très préoccupés par le strict respect des règles qui prévalent dans les pays arabes. A la petite mosquée de Chaoyangmen, pas de foulard pour les femmes à l’entrée de la mosquée, ni de jeûne obligatoire. Le seul interdit concerne  la viande de porc. Si les Hui adhèrent aux traditions sunnites, école hanafite, ils sont d’abord concernés par les problèmes de la vie quotidienne,  l’observance des traditions, les liens de famille et de clan, plutôt qu’aux idées et aux doctrines théologiques. Ils attachent de l’importance à la prière quotidienne, cinq fois par jour, et à la prière du vendredi à la mosquée, auxquelles se mêlent parfois des croyances populaires, notamment dans les exorcismes qui permettent de se protéger du le mauvais œil ou des mauvais esprits».

Florence Pescher

Quitter la version mobile