Nabiha, 45 ans et veuve à 30 ans, rapporte : « Mon mari est décédé mi-mai 1997 suite à un accident de la route. Au départ, j’ai été écœurée, révoltée et en colère contre la vie. Au fil des années, et grâce à la foi en Dieu, j’ai pu faire le deuil. C’est vrai qu’il me manque toujours à je ne comprends pas jusqu’aujourd’hui pourquoi la mort l’a emporté. Nous avons trois enfants, l’aîné a maintenant 20 ans, le deuxième 18 ans et le dernier 16 ans. C’était un papa extraordinaire, travailleur et courageux.
Ses enfants ne l’ont pas vraiment connu, le plus ainé un peu plus que les autres, mais ses souvenirs sont vagues. Financièrement, je ne me plains pas car il a laissé un bon héritage. Le plus dur est de gérer l’éducation de mes garçons. A cet âge, ils veulent tout essayer, tout vivre et se révoltent contre mon autorité. Je dois contrôler leur fréquentation, savoir comment les convaincre de ne pas virer du bon chemin…
Ce n’est pas évident d’assurer le rôle de la mère et du père à la fois. Je ressens de la culpabilité par moments de ne pouvoir empêcher mon garçon de 18 ans de fumer ; et je me dis que si son père avait été là il aurait pu le faire renoncer à fumer. Souvent, je me retourne vers mon frère pour chercher du soutien quand je n’y arrive pas seule. Je lui demande de leur parler d’homme à homme. C’est dur, surtout qu’ils n’ont jamais aimé l’école… j’ai toujours l’impression que c’est un peu de ma faute s’ils ont échoué. J’essaie de les encadrer du mieux que je peux ; au prix de ma vie de femme. Toutefois, je n’éprouve pas de regrets, mon bonheur est dans le leur. Ma vie c’est eux ! »
Sihem, 38 ans et veuve. Une maman de deux enfants, une mère-courage dont l’histoire est presque semblable des milliers d’autres qui parsèment la terre. Sa vie relève du parcours de combattant depuis le décès de son mari, en 1999.
suite page 2
« Je me suis marié à 22 ans, amoureuse et confiante en l’avenir, mais le bon Dieu a décidé de reprendre l’âme de mon mari trois ans après notre mariage ; suite à un vilain cancer… Je me suis retrouvée veuve à 25 ans et à partir de ce jour là, rien n’était plus comme avant… Je ne suis plus la même femme. Je me suis retrouvée avec deux enfants en bas âge en charge… Je travaille mais les difficultés économiques lorsqu’on est seule sont énormes. Comment faire pour joindre les deux bouts avec moins de 400 dt par mois ? La pension de mon mari n’est pas suffisante et mon salaire est trop petit ; alors je suis condamnée à faire preuve de beaucoup de débrouillardise pour joindre les deux bouts et nourrir
convenablement ma petite famille. Je ne veux pas trop me plaindre, c’est notre vie, il en est ainsi ! L’essentiel est d’élever mes enfants dans la discipline, de leur inculquer le sens de l’honnêteté et de la responsabilité. Je les élève aussi dans le souvenir de leur père qui les aimait tant. Sa disparition est une cicatrice qui ne se fermera plus jamais. Mais, la vie a également ses raisons et il faut s’adapter ! J’ai alors pris la place de leur père aussi pour être, à la fois, mère et père. Ma fille a maintenant 13 ans et mon fils 15.
Ameni n’a jamais eu l’occasion de dire papa et Kais ne l’a pas vraiment connu. Je voudrais rester la mère de mes enfants, c’est pour cela que je ne pense pas à me remarier. J’ai peur parfois de ne pouvoir assurer et je doute de moi. Ma plus grande angoisse est de ne pouvoir gérer le tempérament de mon garçon plus tard. J’ai peur de le voir un jour virer du bon chemin alors je le harcèle, je l’ai toujours à l’œil… Il se révolte et me déteste parfois ; mais je n’ai pas le choix. Mon plus grand bonheur serait de les voir décrocher leurs diplômes universitaires… Le chemin est encore long ; mais quelque chose me dit que je vais y arriver.»
Sonia Ben Jaballah