Pendant 20 ans, B’chira milita jusqu’à l’indépendance de la Tunisie. Son combat fut aussi bien politique que social, puisqu’elle collecta des fonds non seulement pour les activités politiques de son association, mais aussi pour financer les étudiants tunisiens poursuivant leurs études à l’étranger, en leur envoyant de l’argent mais aussi des colis de nourriture: Jallouli Farès, Mongi Slim, Rachid Driss, Habib Bourguiba, Béhi Ladgham, Ahmed Ben Miled, Slaheddine Bouchoucha, Mongi Baly, Mohamed Belhassine, Sadok el Mokaddem, Chédli Klibi, Hédi Nouira… purent ainsi bénéficier de son aide.

B’chira n’était adhérente à aucun parti. Elle représentait à l’époque ce que nous appellerions aujourd’hui la société civile. Mais à l’indépendance, tout son combat fut effacé de la mémoire collective des Tunisiens par Bourguiba, comme si elle n’avait jamais existé!

«Fatma 75», un film (réalisé par Selma Baccar, première femme réalisatrice d’un long métrage en Tunisie) qui relate l’histoire et l’évolution de la condition féminine en Tunisie avait été censuré sans aucune explication (il parlait de B’chira ben M’rad) alors qu’il avait été commandé par le ministère tunisien de la Culture.

«Certes, Bourguiba était pour l’émancipation des femmes mais les droits octroyés aux Tunisiennes en 1956 n’ont jamais été un cadeau offert sur un plateau d’argent. L’acquisition de ces droits est le résultat de la précieuse participation des femmes à la lutte de libération nationale», dira plus tard B’chira.

V – Son combat moderniste

Fille d’un Cheikh el Islam, elle était profondément croyante, porteuse d’un islam hanéfite moderne, défendant l’Ijtihad et la liberté de la femme. Connaissant parfaitement bien le Coran, elle en tire et défend les valeurs de liberté et de Moussawet, suivant la voie d’Ibn Rûchd et Ibn Arabi.

Présidente de l’Union des Femmes Musulmanes (UFM), elle prit pour habitude de séparer la vie spirituelle de la vie publique. Elle signait par exemple son courrier B’chira ben M’rad, présidente de l’Union des Femmes sans aucune référence religieuse au nom de l’association. Elle a décidé de garder le nom de son père et avant que les féministes occidentales ne réclament ce droit après le mariage. Elle encourage la mixité. Pour B’chira, la lutte pour l’indépendance ne peut se concevoir sans échanges d’idées entre les deux sexes.

Elle voyage en Europe de l’est (Russie, Pologne et Roumanie) et admire les femmes au travail. Elle soutient les femmes diplômées du supérieur et organise, le 18 avril 1938, une réception en l’honneur de Tawhida ben Cheikh, première femme médecin et premier modèle pour toutes ses sœurs dans l’accès à l’excellence de la connaissance scientifique.

Dès les années 40, B’chira encourage la jeunesse féminine de l’association à se libérer du voile, et lors d’une manifestation dans les années 50, et 5 ans avant la campagne de Bourguiba contre le voile, B’chira est gênée par son sefsari pour porter le drapeau national, elle le rabat alors sur ses épaules, libère ses mains et ses cheveux.

B’chira était ouverte à tous ceux et celles qui ne partageaient pas forcément ses idées ou ses croyances: Elle militait avec des femmes proches du Parti Communiste et collaborait avec celles qui œuvraient au sein des «lits blancs», une association tunisienne juive qui s’occupait des enfants en détresse.

Les femmes se devaient d’être instruites car une société dont la moitié est ignorante ne peut avancer. B’chira a beaucoup fait pour les droits des femmes, même si elle n’en parlait pas beaucoup du fait que sa préoccupation première était l’indépendance du pays.


2 Commentaires

  1. Mme Badra ben Mustapha était la première sage-femme qui a obtenu son diplôme à Alger en 1936 et elle était la trésorière de l’union musulmane des femmes de Tunisie.

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