Drapées de l’étendard national, décliné en robes courtes et longues, soirées, de cocktail ou de ville, c’est ainsi vêtues que nombre de femmes tunisiennes ont célébré mardi 13 août la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP) de 1956.
Fêter cette journée mémorable par centaines de milliers n’est pas surprenant de la part des femmes tunisiennes tenaces, audacieuses et historiquement militantes. Ceci malgré le déni délibéré de l’importance de l’événement par les médias occidentaux préoccupés plus par leurs agendas politiques et intérêts égoïstes que par la vérité, et la crédibilité de l’information. Soit un refus ou plutôt un mépris des orientations et choix d’une grande partie du peuple tunisien qui milite aujourd’hui pour préserver un mode de vie par un islam « modéré » défendu sciemment par l’occident. France 24 en présente d’ailleurs une parfaite illustration…
Mardi 13 août ont défilé au Bardo à Tunis et dans tous gouvernorats du pays, les héritières d’un long parcours de luttes pour s’imposer en tant que faiseuses d’hommes et d’histoire et non en tant que victimes passives d’une suprématie machiste datant de la préhistoire…Il est toujours utile de rappeler qu’elles ont relevé le flambeau de l’intelligence et de la combattivité de Didon déesse de Carthage, de Sophonisbe, fille d’Hasdrubal, de la Kahina, reine berbère décapitée par les conquérants arabes et de Aroua la Kairouanaise qui a imposé au Calife Al Mansour le «contrat de mariage kairouanais» instituant au VIII e siècle la monogamie entre les époux.
Mais pas seulement, les Tunisiennes ont prouvé tout au long de ces longues semaines de sit-in du Bardo qui se poursuivent encore, leur générosité, leur disponibilité et leur sens du sacrifice rappelant en cela Lella Manoubia, la sainte qui a symbolisé une autorité religieuse réservée au XIVème siècle uniquement à la gente masculine et osé braver le bey pour défendre les faibles, les pauvres et les laissés pour compte. Lella Manoubia qui alla jusqu’à prier à la mosquée de la Zitouna à Tunis en compagnie des hommes…Quant à Aziza Othmana, princesse Mouradite, elle s’est investie à la fin du 19ème siècle dans les œuvres de bienfaisance en créant une fondation qui a secouru les malades et les défavorisés jusqu’au XXème siècle. Bchira Ben Mrad a fondé en 1950 l’UMFT (Union musulmane des femmes de Tunisie). Radhia Haddad, Majida Boulila, Tawhida Ben Cheikh, ont été des actrices importantes dans l’émancipation de la femme en Tunisie autant par leur activisme politique que par leurs œuvres sociales.
Aujourd’hui, en ces temps troubles que traverse le pays menacé par des vagues réactionnaires qui menacent l’unité nationale, les femmes n’abandonnent pas. La Tunisie est dans leurs cœurs et dans leurs êtres. Dans leurs gênes, elles portent le souffle de la liberté, de la paix, de la stabilité et l’espoir d’une Tunisie attachée à ses racines et à son identité mais assoiffée de progrès et tournée vers l’avenir. Les femmes sont créatrices et procréatrices, elles donnent la vie et refusent la culture de la mort engendrée par le terrorisme et la violence. Dans leur marche du 13 août, elles ont crié «Les femmes libres de Tunisie contre la Violence» (hrayer Tounes dhidi il Onf) et elles ont affirmé leur volonté de défendre la Tunisie à tout prix pour transmettre à leurs progénitures un digne héritage fait de valeurs et l’amour d’une patrie dans laquelle, elles pourront coexister en paix, se tolérer, se respecter et s’entraider. Les femmes tunisiennes ont crié haut et fort leur refus des faux prophètes, des faux opposants, des opportunistes et des mercenaires de la politique.
Les Tunisiennes ont défilé le 13 août en portant le drapeau qui renvoie au sang des martyrs au rouge propageant la lumière sur le monde musulman, au blanc symbolisant la paix, au croissant évoquant l’unité et aux cinq piliers de l’islam représentée par les branches de l’étoile.
Qui pourrait songer à vaincre un pays où les femmes se drapent d’un étendard exprimant une dimension civilisationnelle aussi affirmée et exprimant le sens du sacrifice, de la lumière, de la résistance et tant d’espoirs ?
Amel Belhadj Ali