Des groupes de casseurs islamistes radicaux ont attaqué vendredi 14 septembre l’ambassade des États-Unis et l’école américaine à Tunis. A plusieurs reprises ces dernières semaines ils s’en étaient pris à des manifestations artistiques ou culturelles, avaient mis à sac des débits de boisson. Ils empêchent régulièrement par la violence ceux qui ne sont pas de leur bord de faire entendre leur voix. Or ils sont rarement inquiétés. Pourquoi ne sont-ils pas arrêtés, jugés, condamnés?
Samir Dilou: … Je reconnais que nous avons fait preuve, au début surtout, d’un certain laxisme face aux salafistes, bien que certains d’entre eux aient été condamnés à la suite d’actes de vandalisme. Ce manque de fermeté s’explique en grande partie par le souci qui était le nôtre de ne pas voir réapparaître au sein des forces de sécurité les mauvais réflexes du “tout sécuritaire” qui prévalaient du temps de Ben Ali. Nous avons donc opté pour le dialogue. Mais dorénavant, c’est tolérance zéro.
Pourquoi la liberté d’expression et de création n’est-elle pas mieux défendue ? Alors que les casseurs qui s’en étaient pris, au mois de juin, au Printemps des Arts n’ont pas été poursuivis, certains des artistes dont les œuvres étaient exposées, comme Nadia Jelassi, ont été convoqués par la justice…
Samir Dilou: Je suis profondément attaché à la liberté des créateurs. De mon point de vue, Nadia Jelassi n’aurait jamais dû être convoquée par la justice. Les poursuites engagées contre les artistes entachent l’image de la Tunisie et de sa révolution.
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L’article sur la “complémentarité” des hommes et des femmes qui figure dans l’avant-projet de constitution doit-il être abandonné?
Samir Dilou: Il doit l’être. La notion de “complémentarité” est un non-sens. Ce texte risque en outre d’encourager la discrimination, si l’on devait en conclure que les femmes, “complémentaires de l’homme”, doivent rester à la maison pendant que les hommes vont travailler à l’extérieur. Ce serait une régression dans un pays qui fait figure de pionnier en matière de droits des femmes.
Vous vous exprimez là à titre personnel, ou en tant que porte-parole du gouvernement?
Samir Dilou: Le gouvernement n’a pas à se prononcer sur le contenu de la constitution. Mais lorsqu’il s’agira de voter la constitution le groupe parlementaire d’Ennahdha devra arrêter une position. Personnellement, je considère qu’il ne faut pas réviser à la baisse les acquis de la Tunisie. Les Tunisiens ont fait la révolution pour conquérir la liberté, pas pour changer de mode de vie.
Le précédent gouvernement nommé à la tête du groupe de presse Dar Assabah quelqu’un d’aussi controversé que Lofti Touati, ex-fonctionnaire de police, puis thuriféraire zélé de la dictature?
Samir Dilou: … Je ne nie pas qu’il y ait pu avoir une erreur de casting. Nous n’avons pas, je crois, toujours pris la mesure du caractère extrêmement sensible, dans la phase actuelle, de certains dossiers, dont celui des médias. Je reconnais que nous avons commis des erreurs et je suis conscient qu’elles ont entaché l’image de la Tunisie révolutionnaire. En tant que membre du gouvernement, je suis parfois gêné. Nous devons très vite redresser la barre.
Propos recueillis par Dominique Lagarde.
Suite de l’article sur l’Express